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Rivendell
3 décembre 2012

Sonate pour Feuille blanche et vieille Horloge...

 

feuille blanche

 

 

Le tic tac de la vieille horloge comptait les secondes interminables dans le silence de mon bureau. J'étais assise, immobile et pensive devant cette feuille blanche qui s'obstinait à ne pas vouloir se remplir. Et pourtant, mon âme était un fleuve tumultueux qui charriait dans ses remous mille mots à délier. Le frisson de l'inspiration était venu germer en moi dès l'instant où j'avais senti mon cœur se serrer à nouveau. Malgré cette sensation à mis chemin entre le cri et l'explosion, rien ne sortait de moi ! Absolument rien ! J'étais muette ! Le vide, s'était installé à la manière d'un souvenir qui comblât un temps le manque de souffle. 
Dehors, la pluie ne semblait pas vouloir s'arrêter. Elle égrenait ses notes contre les carreaux au même tempo que l'horloge à mes côtés. Sans que j'en fus consciente, je me laissais simplement bercer par la musique du temps qui s'écoule. Je ne sais combien dura cet état entre repos et demie mort, mais lorsque je revins un peu à moi, le silence s'était fait, la pluie avait cessé, l'horloge s'était arrêtée…. 13h54 !

Le silence me semblait vivant. Tel un esprit, il prenait consistance, dans l'ombre de chaque objet que mon regard frôlait, dans le déplacement de l'air que produisaient mes moindres gestes. Je me pris à penser qu'il serait doux de m'abandonner à jamais à la caresse d'un amant d'une telle nature. L'impalpable légèreté  qui m'entourait alors, me fit perdre connaissance et toute notion réaliste me quitta le temps d'un soupir…. 

La feuille est toujours vierge. Une perle noire, pendue à la pointe de ma plume, hésite à venir s'éclater sur le vélin immaculé. D'un geste lent et mesuré, je la retiens avant qu'elle n'entame sa chute fatale. J'ai froid ! Le feu s'est éteint dans la cheminée. Le chat est toujours endormi prés de moi, ronronnant un vibrato rassurant. Seule présence quasi humaine qui me raccroche à ma triste réalité. L'absence me pèse et je crois qu'elle a eu raison de moi en m'insufflant l'alalie ! Je retourne sept fois ma pensée morbide dans ma tête, avant de tourner les talons et de quitter le bureau. Je claque la porte en laissant derrière moi, l'encrier, la plume et le chat !
Vlan fait la porte en s'encastrant dans le chambranle ! Dong, fait l'horloge qui vient de reprendre sa course autour du cadran !…13h55 !

Je ne sais pas comment j'en suis arrivée là ! Le souvenir a couvé pendant cinq longues années, me nourrissant de l'intérieur quand dehors il faisait faim. Je l'ai chéri, adoré, dorloté, goûté comme la plus douce des douceurs, jusqu'à le magnifier, lui donner de l'ampleur, de la vigueur infiniment renouvelée. J'y avais mis tant d'énergie que je me retrouvais aujourd'hui épuisée d'en avoir tant espéré. Je voulais vomir mes mots, sur la feuille posée devant moi à cet usage, mais de moi, je ne sorti qu'un rien, un grand vide, un naufrage comme s'il n'avait été, en fin de compte, qu'un rêve, une illusion.

Prise de dégoût pour l'être qui m'habitait, c'est en étouffant le cri de douleur qui me broyait les tripes que je traversais le long couloir où s'ouvraient une multitudes de portes. A bout de souffle, sans savoir quelle porte ouvrir, je fonçais droit devant me fiant à mon instinct de survie. Au loin, dans la pièce que je venais de quitter, le chat miaula, alors que j'allais ouvrir la porte qui arrêtait ma course au bout du couloir. Lentement je me retournais scrutant l'obscurité pour n'apercevoir au loin, que deux petits éclats jaunes me fixant avec insistance. Ce regard m'hypnotisa une fraction de seconde, mais je me ressaisie ne voulant pas succomber à la panique que je sentais s'immiscer insidieusement en moi. L'Horloge venait de lancer un autre dong retentissant… 13h56 !

Dans ce bout de couloir obscur,  mes doigts cherchaient la porte qui quelques secondes plus tôt se trouvait face à moi. Elle semblait avoir disparue le temps que je me retourne pour entrevoir le chat qui m'observait. Il me sembla alors être atteinte de folie. Je me laissais lentement glisser sur le sol, anéantie de ne plus rien comprendre. Il fallait que je reprenne mes esprits, et vite ! En fermant, les yeux, je me concentrais sur ma respiration, le silence était troublé par le tic tac de l'horloge que j'entendais en sourdine à l'autre bout du couloir. Petit à petit, le calme revient en moi. Derrière mes paupières closes, des images se mirent à danser : une gare, un jour d'automne, la foule et juste au milieu deux êtres accrochés l'un à l'autre, leurs regards rivés l'un à l'autre et des larmes, beaucoup de larmes au goût salé, des larmes qu'on ne laisse couler ainsi qu'à trop souffrir d'aimer… Je su à cet instant que le souvenir n'était pas un songe. Je su, que des mots devaient couler de cet instant hors du temps, je su que je devais évacuer ce trop plein d'amour avorté en plein vol. Ecrire !

Doucement je me relevais. Doucement j'ouvris les yeux pour me rendre compte que la porte était réapparue ! Doucement j'en tournais la poignée pour l'ouvrir… La pièce qui se trouvait derrière cette porte était, chose étrange, le bureau que je venais de quitter !! Le même endroit, mais tout était différent ! Le feu crépitait dans la cheminée, le chat dormait dans le fauteuil, la feuille blanche attendait posée sur le bureau près de l'encrier, la vieille horloge dansait sa ronde du temps et chanta un dong tonitruant comme pour saluer mon retour… 13h57 !

Assise devant la feuille blanche, mes doigts se sont noués autour du plumier. L'odeur de l'encre m'invite au voyage des mots. Ces mots qui l'instant d'avant semblaient me faire défaut, jaillissent à présent à flot. Ils sont, vague d'émotion qui remonte le temps, gonflée et piquante du sel d'un souvenir. La vague s'enfle en pleins et déliés, traçant ses courbes ondulantes sur le papier. L'écume d'hier vient se fondre sur la grève blanche pour y graver tout ce qui gonflait mon cœur jusqu'à l'asphyxie ! D'abord tempête, les mots s'entrechoquent, déferlent et grondent. La plume poursuit son œuvre en noir sur blanc et doucement le calme revient puisque désormais je ne retiens plus rien. Un rayon de soleil est venu se poser sur l'encrier. Sa lumière luciole me tient compagnie comme un petit être qui aurait glissé sa main dans la mienne afin de me montrer le chemin jusqu'au mot "fin". L'horloge sonne ….13h58 !

Je ne sais pas combien de temps cela me prit pour noircir des pages et des pages d'encre noire. Il me sembla que le temps s'était accéléré ou peut être qu'il s'était suspendu. L'horloge avait poursuivi sa ronde autour du cadran sans plus se soucier d'égrainer mes secondes. Lorsque j'eu terminé par un dernier point final, j'eu l'impression d'avoir parcouru le tour de la terre. Epuisée, mais tellement sereine, j'avais surmonté le vide pour le combler de toutes ces émotions fantômes, de tous ces rêves éveillés, de tous ces espoirs à contre sens. Un peu fataliste, je me surprenais à jouir de l'instant en admettant que les choix ne nous appartiennent pas forcément, que nos désirs ne sont pas forcément ceux des autres, que la vie n'a de sens que pour soi-même et qu'au final la mienne n'est importante que pour moi-même… Carpe Diem !


Valérie Pes

Texte sous Copyright 68768005_p

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Commentaires
M
quelle imagination débordante tu as chère Valérie! Tu écris mieux que moi! Quelle émotion dans ce texte!
Rivendell
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